L'armement des cavaliers et celui des piétons, hors tenue
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Oriabel
 
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Messagede Oriabel » Ven Juil 24, 2009 6:19 am

Voici la traduction de la partie consacrée à ce célèbre bouclier, extraite du livre "Der Mittelalterliche Retterschild".

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Parmi les boucliers qui nous sont conservés, celui d'Arnold de Brienz est à mettre particulièrement en évidence. Il a été trouvé dans un couvent de femmes de Seedorf sur le lac des Quatre-cantons, dans le canton suisse d'Uri. C'est pourquoi il est, parfois, désigné comme le bouclier Seedorf.
La datation du bouclier ne fait pas l'unanimité, elle oscille entre 1180 et 1225. Mais irréfutable est l'hypothèse de Johann Rudolf Rahns , en 1883, d'après laquelle le bouclier est lié au fondateur de la maison des Lazaristes à Seedorf, Arnold de Brienz, dont la mort, en 1225, a été attestée. Les armoiries de la (famille) de Brienz étaient en effet un lion d'argent sur champ d'azur.
Comme déjà mentionné, la forme du bouclier a constamment été le sujet de spéculations quant à sa localisation dans le temps. Sa forme ventrue et les coins supérieurs arrondis l'ont souvent fait considérer comme atypique pour l'intervalle de temps retenu (1180-1225). On a parfois supposé qu'il faudrait le dater plus tardivement, à savoir vers 1300, puisque sa forme rappellerait les boucliers reproduits dans le Codex Maness. Mais contre cette thèse, nous avons d'une part les grandes mensurations du bouclier, bien plus massif et plus grand que les boucliers des environs de 1300, et d'autre part les esquisses de bouclier, similaires, que l'on peut voir déjà sur quelques sceaux de fin 12e et début 13e . Dans le manuscrit de l'Enéide – Eneît Handschrift , sur le web allemand on me donne l'auteur Heinrich von Weldeke, et la date (1170-1190) – se trouvent, comme on l'a dit, quelques reproductions de boucliers triangulaires avec coins supérieurs arrondis. En conséquence, le bouclier de Brienz est considéré généralement dans la littérature, avec plus de justesse, comme une forme transitoire entre le bouclier normand et le bouclier triangulaire.
En 1951, Hugo Schneider émit une autre thèse suivant laquelle le bouclier de Seedorf serait un bouclier normand, en amande à l'origine, et dont le bord supérieur arrondi aurait été scié plus tard – peut-être entre 1230 et 1250, pour l'assimiler aux boucliers triangulaires. "modernes". Cette façon de voir a certes été remise en question par Nickel dès 1958, mais elle refait toujours surface de temps à autre. On ne peut plus la retenir, à mon avis, depuis l'examen approfondi du bouclier par Mathias Senn et Franz Moser en 1990. S'il est juste de situer le bouclier de Brienz dans le "créneau" entre bouclier normand et bouclier triangulaire, on ne peut rien conclure du changement de forme. Voyons cela plus en détail.
Le corps du bouclier est constitué de quatre planches de bois, de 15 mm d'épaisseur environ, qui sont collées les unes aux autres, sans joint, sur leur longueur. A noter que les planches ont été chanfreinées sur les côtés pour augmenter la surface adhésive. Les recherches ont montré qu'on a utilisé du bois d'aulne, et non du sapin ou du tilleul comme on le supposait auparavant. Il se travaille bien et devient très lisse au rabot. Avec la colle il donne des assemblages très solides et offre ainsi beaucoup de qualités pour la fabrication de boucliers.
Pointe coupée, le bouclier mesure, en hauteur, encore 87 cm, et, dans la partie la plus large, à 20 cm de l'arête supérieure, 67 cm. Le bord supérieur a une longueur de 57 cm. Si l'on complète le bouclier avec la pointe absente, on obtient une longueur originelle totale de 95 à 100 cm.
Le bois d'aulne est tendu d'un morceau de parchemin, posé en une seule pièce sur la face avant du bouclier, et qui s'applique bien tendu sur les deux côtés du bouclier et l'arête supérieure, mais qui forme à l'arrière un retour d'une largeur irrégulière. Ce recouvrement donne une importante stabilité au bouclier. Un deuxième morceau de parchemin remplit le milieu, non couvert, de la face arrière. D'après les examens, le parchemin est une peau de jeune bovin. Le fait que le bord supérieur du cuir soit coupé en arrondi, à fortement contribué à l'apparition de la thèse du découpage de l'arête supérieure. Mais si l'on examine le parchemin de plus près, nous frappe alors le fait que le cuir aurait bien pu recouvrir la partie avant de l'arrondi, mais qu'il n'aurait pas pu être retourné aussi vers l'arrière, et, qu'en tout cas, il se serait arrêté au bord supérieur du bouclier. Pour quelle raison alors, le constructeur du bouclier n'aurait-il pas enveloppé également le bord supérieur du bouclier, justement l'endroit le plus exposé aux coups de l'adversaire ?
Les recherches de Senn et Moser sur la peinture ont abouti au schéma suivant. Directement sur le parchemin, sur les deux faces du bouclier, a été déposé un apprêt de plâtre, de cristaux grossiers légèrement liés avec de la colle; Par-dessus se trouve une couche de craie mêlée à de la colle. Directement par-dessus la couche de craie de la face avant, il y a une couche d'apprêt de blanc de plomb avec un peu de noir, suivi d'une couche de bleu clair d'azurite finement râpée et, pour terminer, vient la couleur de fond finale d'un bleu soutenu, provenant d'azurite naturelle, grossièrement broyée. Le lion des armoiries de la famille de Brienz est peint par-dessus. Le lion a d'abord été modelé de façon ornementale avec un bloc de craie, puis argenté. Pour l'argenture on a utilisé de l'argent en feuille, déposé sur le bloc de craie avec un lien à l'huile. En ce qui concerne le façonnage artistique du lion, il est intéressant de voir que les articulations sont marquées par des spires et les muscles par des renflements en boules. Le plus grand et le plus frappant de ces renflements se trouve à peu près au milieu du corps du lion, là où, à vrai dire, il n'y a aucune nécessité anatomique. Mais comme c'est également le milieu du bouclier, peut-être y avait-il une bosse de bouclier. Il est possible que cet élément du modelage soit le reste, schématiquement marqué, d'une bosse de bouclier omise – mais intégrée dans les armoiries à l'origine.
La peinture du revers est fragmentée. Le développement technique est le même que celui de l'avant. Ici, c'est une couche de couleur verte (vert-cuivre) qui a servi d'apprêt, le vernis mis par la suite l'a, aujourd'hui, rendu brunâtre. Comme, ni sur l'avant ou l'arrière du bouclier, n'apparaissent des traces de peinture précédente ou d'intervention quelconque sur la peinture, on en conclut que la peinture actuelle est celle d'origine. Pour cette raison également, la thèse d'un changement du bouclier, de normand en triangle, ne peut guère être soutenue.

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Yvan de Tergate
 
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Messagede Yvan de Tergate » Ven Juil 24, 2009 8:43 am

Grand merci !

Très interessant, notamment la fabrication du lion. J'en étais resté à l'idée que le lion avait été fabriqué et posé sur le bouclier avant le cuir. Une pose d'un lion en "platre" par dessus le cuir est bien plus logique et colle mieux à ce que l'on peut observer sur les parties où il manque des morceaux du lion, comme le bas de la queue par exemple.

Mais je pense que ca relance la question de l'utilisation en combat ou non d'un tel bouclier !
« Dieu aide ! »

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Reinhardt
 
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Messagede Reinhardt » Ven Juil 24, 2009 3:01 pm

Trrrrès intéressant en effet !
Notamment l'hypothèse d'un ancien umbo retiré et remplacé par les renflements du corps du lion.
Quant à l'idée d'un écu "normand" recoupé, ça ne me choquerait quand même pas trop car il serait extrêmement hasardeux, difficile, voire même improbable d'arriver à décoller le parchemin, couper le bois et recoller le parchemin ensuite. Il serait plus facile -et logique- de couper tout, décoller tout, et recommencer à zéro, surtout vu le faible coût d'une peau à l'époque (pas comme de nos jours !)
Mais rien n'est moins sûr et leurs arguments sont très pertinents aussi !

Quant au lion en relief par-dessus le cuir, à mon avbis ça plaide totalement en faveur d'un écu funéraire ou du moins destiné à l'exposition, et non au combat.
Un tel lion posé simplement sur le cuir n'a strictement aucune chance de tenir le choc face au moindre coup d'épée. Ne parlons pas de haches ni de lances !
En plus il est partiellement argenté ! Bonjour le gâchis !
Encore que, nos ancètres savaient "paraitre" même au coeur de la bataille et tant pis pour la casse ! Au diable l'avarice !
Got mit uns !

Got mit ... Reinhardt !

Reinhardt über alles !

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Oriabel
 
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Messagede Oriabel » Ven Juil 24, 2009 7:28 pm

J'aimerais bien avoir plus d'informations sur ces boucliers funéraires dont vous parlez souvent ailleurs. De quoi s'agit-il exactement ? dans quel contexte ont-ils été découverts ? ceux retrouvés sont-ils équipés de la même manière que les écus servant au combat (avec énarmes ? )?

En ce qui me concerne, je pense que la guerre est aussi le moyen de paraître. Donc venir harnaché avec un équipement qui ne résistera pas à un combat voire à quelques coups d'épée ne me paraît pas inconcevable...


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